Théâtre du Nouveau Monde : Saison 2021-2022

La compagnie du théâtre du Nouveau Monde est née à Montréal en 1951 dans l’effervescence culturelle qui a succédé à la Seconde Guerre mondiale et ouvert la voie à la Révolution tranquille, laquelle devait permettre au Québec d’accéder à la modernité.

Par Corinne Bénichou

Elle a été fondée par un petit groupe formé de Jean Gascon et Jean-Louis Roux (qui avaient débuté dans les Compagnons de Saint-Laurent), Guy Hoffmann, Georges Groulx, Robert Gadouas, André Gascon et Éloi de Grandmont. À l’époque, Jean-Louis Roux a déclaré à propos du nom « Je ne connais pas exactement les motivations d’Éloi, mais, pour nous, cela représente un défi et c’est le constat d’une réalité. Nous sommes dans le nouveau monde. » Ces fondateurs rêvaient d’une grande compagnie ayant pour mission de produire et de diffuser les œuvres majeures du répertoire classique et contemporain. Pour ce groupe, un tel projet s’inscrivait naturellement dans l’éveil culturel du Québec qui commençait à s’affranchir du joug de la religion catholique. La visite au Québec de Louis Jouvet, grand comédien français, au début de l’année 1951, s’est également révélée une importante source d’inspiration.

Le 9 octobre de la même année, le rideau se lève sur la première production, L’Avare de Molière, dans une mise en scène de Jean Gascon qui tient aussi le rôle d’Harpagon. La pièce connaît un énorme succès et durant les quinze années suivantes, Jean Gascon a proposé un répertoire éclectique, qui va de Paul Claudel à Henry de Montherlant en passant par Sacha Guitry. C’est surtout par ses relectures de Molière (entre autres, Le malade imaginaire et Trois farces) qu’il s’illustre le mieux. Mais également par la dimension physique de son interprétation. Plusieurs autres succès marqueront les saisons au fil du temps, parmi lesquels Richard II de Shakespeare, Le Dindon de Feydeau, La Danse de mort de Strindberg, L’Opéra de Quat’sous, ainsi que Mère Courage et ses enfants de Brecht. En 1958 le théâtre déménage à l’Orpheum, il y restera neuf ans.

À cette même date, en 2021, ce théâtre vient de fêter ses soixante-dix ans ! Jouissant d’un statut national le classant parmi les institutions culturelles de langue française les plus importantes en Amérique du Nord. La grande qualité artistique et l’envergure de ses productions en ont fait un lieu de référence au Québec. Lieu idéal pour jouer tous les classiques, d’hier et de demain, il est situé en plein cœur du Quartier des spectacles. Désirant promouvoir l’ouverture et la liberté artistique, il s’est depuis toujours donné comme mission de révéler de nouveaux talents, d’ouvrir des voies inédites, tout en visant un large public, sans oublier de diffuser les œuvres majeures du répertoire national et international. De Molière à Koltès, de Shakespeare à Michel Tremblay, en passant par Euripide, Racine, Goldoni, Pirandello, Claudel, Tchekhov, Kafka, Brecht, Beckett, Botho et Strauss. Les grandes œuvres québécoises y font l’objet de relectures inspirées, ancrées dans la réalité d’aujourd’hui.

Pour souligner cet important anniversaire, de grandes rencontres avec des dramaturges phares d’ici vous sont offertes : Michel Marc Bouchard, Normand Chaurette, Michel Tremblay, Fanny Britt et Alexia Bürger comme ceux d’ailleurs : Henrik Ibsen (traduit par Sarah Berthiaume) et Anton Tchekhov (revu par René Richard Cyr), tout en faisant une large place aux femmes. L‘automne est la saison propice au renouveau et à la présentation des œuvres et des artistes. Le théâtre du Nouveau Monde n’y échappe pas ! Sa saison 2021 a commencé avec Embrasse de Michel Marc Bouchard. Anne-Marie Cadieux, Yves Jacques, Alice Pascual, d’Anglesh Major et Théodore Pellerin en assurent la distribution. La pièce s’est terminée le 16 octobre dernier.

Du 16 novembre au 11 décembre, le spectateur sera plongé au quinzième siècle pendant une tempête de neige… Les reines de Normand Chaurette est mis en scène par Denis Marleau avec Céline Bonnier, Sophie Cadieux, Kathleen Fortin, Marie-Pier Labrecque, Louise Marleau et Monique Spaziani. Le roi Édouard agonise. Toute mort d’un roi secoue la nature entière. Dissimulé aux regards, le monstrueux Richard, son frère cadet, parcourt le palais pour assassiner ceux qui le séparent de la couronne. Alors que le pouvoir bascule, les femmes du château se débattent pour accéder au nouveau souverain comme la désemparée reine Elizabeth, la vieille duchesse d’York, mère des rois, la terrible veuve Marguerite d’Anjou, les arrivistes et perverses sœurs Warwick, toutes, sauf la muette et très mystérieuse Anne Dexter.

Du 11 janvier au 5 février 2022, Lysis, de Fanny Britt et Alexia Bürger d’après Aristophane, poète comique grec du cinquième siècle avant Jésus-Christ, dans une mise en scène Lorraine Pintal. Une quinzaine d’interprètes, dont Bénédicte Décary en Lysis, mais aussi Marie Tifo, Brigitte Paquette, Pierre Curzi, Nadine Jean et Steve Gagnon. Le pays est paralysé. Les femmes en ont assez ! Elles ont pris d’assaut les rues avec la puissance d’un tremblement de terre, réclamant justice. Leur arme, la grève de la reproduction, leur inspiratrice, Lysis, chercheuse pour une grande corporation aux dirigeants cravatés, mais militante clandestine de longue date.

Du 17 février au 5 mars, un classique russe, Les 3 sœurs d’Anton Tchekhov. Le texte français et la mise en scène sont de René Richard Cyr avec Noémie Godin-Vigneau et Rebecca Vachon, auxquelles se joint pour cette reprise Marie-Pier Labrecque. Dans une petite ville égarée au fond de l’infinie steppe russe, Olga, Macha et Irina, les trois filles du général Prozorov, mort un an plus tôt, n’en peuvent plus de cet endroit désolé où leur père avait été nommé commandant de batterie. Elles n’ont qu’un désir, retourner à Moscou, où elles ont grandi, choyées, au milieu d’une société brillante.

Du 15 mars au 9 avril, Un ennemi du peuple d’Henrik Ibsen, en coproduction avec le Trident (Québec), mis en scène par Édith Patenauderassemble Emmanuel Bédard, Éric Leblanc, Jean-Sébastien Ouellette, Marianne Marceau, Kevin McCoy et dans le rôle de Katrine Stockmann, Eve Landry. Médecin-chef de la station thermale qui fait la prospérité de sa petite ville côtière de Norvège. Admirée et respectée, docteur Katrine Stockmann vient de découvrir qu’une tannerie industrielle pollue gravement la source des eaux médicinales qui attirent en hordes les riches touristes.

Du 3 au 28 mai 2022, la saison se termine avec Cher Tchekhov de Michel Tremblay. Serge Denoncourt à la mise en scène. Gilles Renaud, Anne-Marie Cadieux, Éric Bruneau et Maude Guérin se partageront la scène. Un vieil auteur se confie… Bien des années auparavant, il a laissé inachevée une pièce en hommage à Tchekhov dont l’action se passe dans une famille d’acteurs et voilà qu’apparaissent, dans les splendeurs de l’automne, les préparatifs d’un souper à l’ombre d’une maison centenaire à Vaudreuil !

Pour ses soixante-dix ans, avec à sa barre depuis trente ans, la directrice artistique et générale, Lorraine Pintal, le théâtre entame un important projet d’agrandissement de ses espaces, piloté par les architectes de la firme Saucier-Perrotte. En plus de permettre le renouvellement de ses équipements scéniques et numériques, ce projet d’envergure lui assurera de demeurer une référence culturelle non seulement montréalaise et québécoise mais aussi mondiale.

Plus pertinent que jamais, alors que les amoureux de cet art vivant, entre autres, les créateurs, les acteurs et les travailleurs de la scène, piaffent d’impatience à l’idée de retrouver les planches, ce projet de redéploiement répondra aux plus récentes exigences en ce qui concerne le bien-être du public et des artistes avec un espace de création hors du commun à la hauteur des talents d’ici, des espaces pour d’avantage de créativité, des aires communes plus spacieuses, accueillantes et chaleureuses, l’ajout d’un nouveau lieu multifonctionnel (salle de répétition et de spectacle Réjean-Ducharme), l’intégration de nouvelles technologies de création et de diffusion, une aire baignée de lumière, surplombée d’un toit vert et dotée d’espaces de circulation d’une grande fluidité.