J’accuse d’Annick Lefebvre

Jusqu’ au 22 février 2017
Supplémentaires les 18, 23 et 24 février 2017

Texte d’Annick Lefebvre
Mise en scène de Sylvain Bélanger
Scénographie de Pierre-Étienne Locas
Costumes de Marc Senécal
Éclairages d’Erwann Bernard
Conception sonore de Larsen Lupin
Vidéo d’Ulysse del Drago
Coiffures et maquillages de Sylvie Rolland-Provost
Une production du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui

Avec Léane Labrèche-Dor, Debbie Lynch-White, Catherine Paquin-Béchard, Alice Pascual et Catherine Trudeau.

1h55 sans entracte

j accuseElles sont cinq. Elles ragent. Il y a la fille qui encaisse, qui vend des bas de nylon du matin au soir dans une boutique du métro Bonaventure. Celle qui agresse mais qui a eu le culot de partir son entreprise dans un contexte économique difficile. L’autre qui adule, inconditionnelle d’Isabelle Boulay. La troisième, intègre, travaille dans un centre de la petite enfance et s’efforce de prendre soin de la jeunesse du Québec. Enfin, il y a la fille qui aime, travailleuse autonome, elle écrit et dilapide beaucoup d’amour mais si peu envers sa personne. Que des femmes avec de la drive et beaucoup (trop) d’ambition s’exprimant par instinct de survie.

Par Corinne Bénichou

Dans un décor dénudé, à l’exception de quelques accessoires, se succèderont cinq actrices, cinq propos, cinq situations qui font, en fait, intégralement partie d’une même femme, la créatrice de cette pièce, Annick Lefebvre.

La première parle des tendances mode, d’achat local, du paraître versus l’être, des chanteurs et des politiciens dans un discours acerbe.

La deuxième fait partie de la classe moyenne, les étrangers, les intégristes, la société de consommation, les émissions de radio, les finissants des grandes écoles, les fonctionnaires, les licenciements abusifs, les multinationales, les fondations snobes, l’inertie du gouvernement et la radicalisation dans l’ordre que vous voulez !

La troisième représente les immigrants et leur intégration, les réactions de part et d’autres, le « c’est pas vrai » face aux clichés et à certains media mensongers. Cette étrangère connaît bien la société d’accueil dans laquelle elle vit. Elle le prouve et revendique ses paroles contre la dévalorisation des individus et non du peuple « parce que je sais… »

La quatrième s’en prend à l’auteur et à ses écrits. Les illusions d’une jeune fille à l’endroit de sa chanteuse préférée (fil rouge de tous les monologues). Elle évoque également les jalousies entre fans. Pour finir, elle personnifie son idole et ose une des pièces de son répertoire, Mieux qu’ici bas.

La cinquième est la plus défaitiste. Tout en douleur physique et mentale, elle réalise une recette ! Sa peine d’amitié est aussi forte (sinon plus) qu’une peine d’amour et ressentie comme telle. Elle offre sa souffrance corporelle et morale en pensant tout haut !

C’est sur un fond de tristesse que les protagonistes s’expriment. Leurs actions verbales sont néanmoins libératrices et loin d’être manichéennes, bien au contraire, tout y passe dans leurs monologues, en particulier, celui de Catherine Trudeau. La principale différence est le ton donné aux mots qu’elles interprètent.

La plus drôle est, sans conteste, Debbie Lynch-White non seulement dans ce qu’elle dit mais dans son attitude générale. Ce contre emploi assumé avec talent est très divertissant. Quant à Léane Labrèche-Dor, c’est la plus touchante, car, elle aussi, complètement à l’antithèse de ses précédentes prestations, relève ce défi avec brio et va chercher la corde sensible, celle du coeur.

Seul bémol, les deux premières performances auraient mérité un débit moins rapide afin de bien comprendre toutes les informations qui sont livrées

Loin des convenances et de la condescendance habituelles, la dramaturge se paie la traite. Elle entraîne ses actrices et le public dans un tourbillon d’idées qui ne laissera personne indifférent !

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