Le Vieux-Moulin de Pointe-aux-Trembles

Le vieux moulin de Pointe-aux-Trembles, qui a été bâti en 1719, est l’un des 18 derniers moulins à vent encore debout sur les 200 moulins construits à cette époque.

Par Corinne Bénichou

Ce témoin du régime seigneurial en Nouvelle-France est classé bien archéologique depuis 1983. Il a été en opération jusqu’en 1866. C’est l’une des plus anciennes constructions du Québec. « En 1671, un premier moulin a été construit plus proche du fleuve et plus à l’est que celui-ci, mais il a été rongé par l’érosion. Il servait aussi de redoute en cas d’attaques par les Iroquois. C’était le quatrième moulin à vent de Montréal. Il desservait Longue-Pointe, Rivière-des-Prairies, l’île Sainte-Thérèse et même Repentigny.» explique Caroline Perras, agente de développement culturel à la ville de Montréal.

La première mouture étant plus proche du fleuve Saint-Laurent. Il a fallu trouver un autre lieu. « Pendant quarante ans, il a subi des dommages liés aux débâcles du printemps, ce qui a obligé les Sulpiciens* a acquérir un autre terrain en 1678 pour la construction du second moulin. En 1719, le maître maçon Deguire dit Larose obtient le contrat pour ériger plus en retrait un nouveau moulin qui a été fermé vers 1866. Le bâtiment étant abandonné, il s’est détérioré au fil des ans. À partir de 1960, il est caché successivement caché par une construction effectuée par la maison funéraire Théodore Sansregret puis repris par Magnus Poirier jusqu’en 2001, date d’acquisition par la ville de Montréal. »

Déclaré bien archéologique en 1983, c’est en 2000 que le Centre communautaire Roussin et Claude Belzil, conservateur à l’atelier d’histoire de la Pointe-aux-Trembles sont intervenus dans la vente du salon funéraire. À ce moment là, ils incitent Montréal a en devenir propriétaire et, en 2005, la ville et l’arrondissement acquièrent le terrain. En 2007, avec l’acquisition des vestiges, ainsi que du terrain vacant adjacent, pour en faire un parc patrimonial, la métropole a amorcé une démarche de mise en valeur qui s’est terminé l’année suivante. Cette importante opération de réhabilitation a permis de faire l’un des principaux pôles d’attraction des visiteurs et des résidents.

Au dix-huitième et dix-neuvième siècle, c’était un milieu de vie important. Comme sur le parvis de l’église, en moins solennel, les gens socialisaient devant le moulin.« La littérature mentionne que les agriculteurs venaient faire moudre leur blé tout en discutant. Les conversations étaient plutôt animées et grivoises, la population se permettait même de parler contre le curé ! »

Pour les célébrations des 300 ans de son histoire, il y a eu un résumé sur l’évolution de ce moulin de 1669 à 2009. « Après une grande recherche sur l’historique du site, une brochure de plusieurs pages a été publiée par l’atelier d’histoire de la Pointe-aux-Trembles donnant l’information complète au public. De cette publication, nous en avons fait un résumé dans un dépliant qui relatait ce pan d’histoire. Il y a eu aussi beaucoup d’activités d’interprétation comme Le seigneur et son moulin avec musique d’époque et fabrication du pain, un rallye patrimonial a été organisé, les visiteurs ont eu l’occasion de rencontrer deux personnages historiques, une journée a été dédié aux clubs de vacances les jeunes étaient invités à réaliser des épreuves. Ils recevaient, en récompense des grains de maïs. L’équipe qui cumulait le plus grand nombre de grains recevait les honneurs, En août, un voyage immersif a été proposé. Dix protagonistes animaient le site toute la fin de semaine sous le thème de vieux métiers tels que le forgeron, le cordonnier et bien sûr le meunier, entre autres. »

Au cours de toutes ces années, beaucoup de meuniers se sont succédé dans ce fameux moulin ! « Pour le premier moulin, il y a eu Jean Viel de 1671 à 1676, puis sept meuniers y ont travaillé entre trois et seize ans. Pour le second, onze meuniers vont se suivre. Certains restent seulement une année d’autres, comme François Harel, y demeurent quatorze ans, puis, huit meuniers se sont relayés dont Louis Fontaine dit Bienvenu. Fait important, de 1838 à 1851, c’est Anne Smith qui tiendra la barre. »

C‘est le plus haut de tous les moulins au Québec avec ses quatre étages. mais son mécanisme et sa meule n’existent plus. « C’est un ajout des Sulpiciens qui date de 1822. Ces derniers ont investi pour ajouter un étage de huit pieds de haut. Une paire de meules supplémentaire leur laissait espérer une plus grande productivité, donc, plus de profit, mais, outre l’argent, la raison principale était de conserver leur pouvoir. »

D‘autre part, le site est un musée ludique à ciel ouvert. Le circuit comprend des panneaux d’interprétation illustrés par Francis Back. Situé en bordure du fleuve, le parc du Vieux-Moulin de Pointe-aux-Trembles est un lieu accueillant. Pourvu d’un magnifique belvédère et d’un pavillon d’animation, il vaut vraiment le détour. Chaque fin de semaine pendant la période estivale, un ou des personnage(s) historique(s) se trouve(nt) sur place, ils sont différents à chaque fois, accueillent et font découvrir le bâtiment dont les murs de pierre enduits de chaux deviennent des écrans pour une projection multimédia inusitée. L’agora et le pavillon d’interprétation servent de lieu d’animation. Des visites, des spectacles et des jeux interactifs sont également au programme.

Lors de votre visite, vous pourrez rencontrer Chantal Shawini Décarie alias Clotilde. « En association avec des habitants spécialisés de la Nouvelle France et grâce à la reconstitution, (fin dix-septième, début dix-huitième siècle) vous observerez les habitudes quotidiennes des paysans, du coureur des bois, des amérindiens, d’une domestique, du tonnelier, de l’herboriste, du forgeron, du cordonnier et même le fabricant de ceintures fléchées. De temps en temps, les visiteurs peuvent être témoins d’une démonstration de coups de fusil. »

L‘approche des guides historiques avec les visiteurs « En fait, les animations sont libres. Les animateurs échangent avec les gens de façon spontanée. Ils répondent aux questions, informent le citoyen de tous âges et de toutes origines par des démonstrations, des dégustations, la présentation des mœurs et coutumes, le mode de vie de cette période. Ils leur font vivre une expérience vraiment intéressante. »

Le moulin est visité par des cyclistes, des familles, des couples, des aînés, des marcheurs, des curieux… « Il n’y a pas de clientèle spécifique. Évidemment, les guides s’adaptent, tant dans leur discours que dans leur attitude, selon les personnes qu’ils ont en face d’eux, peu importe l’âge. Il est également possible de faire le rallye patrimonial dans les rues de Pointe-aux-Trembles, une belle balade, pour découvrir le secteur, jusqu’à l’emplacement du premier moulin. »

Le vieux moulin est ouvert jusqu’au 5 septembre 2021, les samedis et dimanches, de 12 heures à 17 heures.

Parc du Vieux Moulin
11630, Notre-Dame Est
Montréal
(514) 872-2240
https://montreal.ca/lieux/parc-du-vieux-moulin-de-pointe-aux-trembles

* Communément appelés les seigneurs de l’Île de Montréal ils étaient, en réalité, un ordre de prêtres séculiers, fondé par Jean-Jacques Olier, un ardent missionnaire. Son objectif. était de travailler au renouvellement d’une Église au Canada. Conformément à ses convictions, il s’est efforcé de l’établir dans le Nouveau Monde.

Ce contenu a été publié dans Sortir. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.