Toutes les vies possibles de Patrice Godin

« Tu fais quoi, l’écrivain ? Comment, qu’est-ce que je fais ? Je me remets au travail, je réfléchis. Nah. Tu fous rien. Tu restes là sans bouger, les mâchoires serrées et les yeux dans le vague. Tu tournes en rond dans ta tête. » La vie. La mort. La solitude. Le temps qui file. Qui nous échappe. Une blessure de course qui nous empêche d’avancer, un roman que l’on ne saisit pas encore et que l’on n’arrive pas à écrire. En ces temps troubles, de courtes réflexions sur l’existence, ses beautés, ses zones sombres, les fantômes qui l’habitent. L’amour de la littérature, du cinéma et de la poésie. Puis, au détour, une mère biologique retrouvée qui apaise une peine profonde. Le sentiment d’avoir été abandonné. L’histoire d’un homme seul à l’aube, entre un automne et un printemps, qui dialogue avec lui-même.

Par Corinne Bénichou

Dans ces carnets minimalistes, Patrice Godin s’ouvre en diverses confidences qui le rendent attachant.

Quelques bribes de sa vie à vingt ans, les livres lus et aimés qui ont fait une différence, l’enfance, les souvenirs des lieux , les anciens appartements, l’attachement et la douleur au départ du compagnon canin, les courses pour ne pas sombrer, la volonté de surmonter la blessure, la vieillesse qui arrive trop vite et les photos de ses filles, entre autres, sont,  selon l’auteur, des fragments de son existence comme des éclats de verre dans cet écrit plus personnel.

Une réflexion mêlée à une observation rigoureuse de son physique actuel remettent les pendules à l’heure. La finalité s’écrit en un mot : Rien !

Au fil des pages, l’écrivain revient sur sa naissance, son adoption et sa démarche pour retrouver sa mère biologique. Il évoque également son problème d’alcool, ses violences, ses fureurs contenues qui engendrent son autodestruction.

Cette introspection, sereine et assumée, incluant son profond manque de racines, conscient ou pas, ses idées noires, la mésestime de soi et son goût d’en finir, vous ébranlera autant qu’elle vous ramènera à votre propre réalité tel un miroir.

Sa lucidité sur son passé et son interaction sociale vous troubleront et éclaireront peut-être certains regards, gestes ou désintéressement. Si vous l’avez croisé à cette époque, vous avez, assurément, eu une fausse perception de l’homme.

Il est souvent difficile de décrire des émotions, mais Patrice Godin a le tour d’expliquer ce qui se passe dans sa tête et dans son corps. Écrire toutes ces vies possibles qui l’habitent ne servent qu’à combler le vide. Il avoue même, en filigrane, que vivre avec lui n’est pas de tout repos ! Cette confession l’humanise au point d’avoir de l’empathie pour l’essayiste qui, dans les dernières pages, confirme être en paix avec ses démons.

Publié chez Libre Expression.

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