De Toulouse à Eus : Thuir et Prades

pyrénées orientales logoÀ l’intérieur des terres, à treize kilomètres seulement de Perpignan, cette commune est située aux portes des Aspres, région qui constitue le piémont du Canigou entre les sillons des rivières de la Têt et du Tech. Son fleuron des années 30 est aujourd’hui, un incontournable !

Par Corinne Bénichou

façade cavesSi vous avez la chance d’avoir Armand comme guide, vous aurez à la fois l’historique et les anecdotes du fondateur de la marque Byrrh (mélange de grenache noir et de Carignan), Simon Violet, ce qui rendra votre visite divertissante.

chevalier printempsUne fois à l’intérieur le Chevalier Printemps, né en 1937, vous garantira le plaisir au bout du voyage. Dans la galerie vous apprécierez une exposition d’une quarantaine d’affiches originales, résultat d’un concours organisé par Lambert Violet, fils de Simon, en 1903. affiche suzanne« Mille neuf cents participants des quatre coins du monde proposèrent leur vision de cette boisson. Ils ont tous été récompensés. Les premiers avec une belle somme d’argent et les derniers avec des lots de bouteilles Le gagnant s’appelait Juan Cardona, il a donné à son affiche le prénom de Suzanne et a reçu le montant de deux mille francs, c’était beaucoup pour l’époque. »

cheminée briquesAu fil du circuit, vous verrez la grande cheminée qui, à la base mesurait trente neuf mètres de haut. Elle a été frappé plusieurs fois par la foudre et a donc perdu quatorze mètres entre 1975 et 1980. « Elle est aujourd’hui équipée d’un paratonnerre. Servant autrefois à évacuer la vapeur d’eau provenant de la salle des machines, faite en briques catalanes (plus petites et de forme plus carrée), Elle ne sert, à ce jour, que de point d’accueil aux cigognes avant leur grand voyage vers l’Afrique. »

pompe mainDepuis 1872, le grenier à outils renferme différents items dont la fourchette à liège, qui servait à la confection du Byrrh, une décapsuleuse, une sertisseuse à capsules, une pompe à main, une machine Remington, un pressoir à raison, une bascule et un téléphone interne. À l’époque, il y en avait une centaine dans l’entreprise. « En 1960, la compagnie tél interneDubonnet-Cinzano a acheté la marque et il a été ajouté un ruban CDC sur les étiquettes. Ensuite c’est Pernod- Ricard qui a été propriétaire (et l’est toujours) de la marque. »

cadres chez byrrhL’allée des peupliers représente l’âge d’or de la compagnie, entre 1930 et 1935, elle comptait sept cents employés (sur mille habitants), les deux tiers de la population travaillaient pour la famille Violet, le nombreux personnel se divisait entre cadres et ouvriers. « N’étant pas vignerons, les employés byrrhfrères achetaient leur vins dans les quatre coopératives du département, ils achetaient donc la quasi-totalité de la production. En échange, les directeurs des coopératives faisaient de la publicité sur les murs des caves, même si le Byrrh n’était pas fabriqué chez eux. » Au départ, cette boisson était un médicament qui se affiches byrrhtrouvait en pharmacie. C’était un élixir médicinal à base de vin et de quinquina connu pour ses vertus. « Les pharmaciens de Montpellier ont porté plainte et les frères ont été obligés de retirer leurs produits des enseignes. C’est là qu’ils ont décidé de le commercialiser comme apéritif, ce qui a été un bon choix. »

Selon la légende, dans la mercerie des frères Violet les étoffes étaient classées par ordre alphabétique et l’arrivage du jour portait sur les B. Y. R. R. H, d’où l’idée de nommer leur élixir avec ces lettres. La seconde version, plus croustillante, parle des cinq maîtresses de Simon Violet : Bernadette, Yvonne, Raymonde et Henriette !

vue aérienne cavesLe domaine s’étend sur sept hectares divisés en trois parties distinctes. L’office du tourisme et ses visites guidées formant un Z, la production appartenant à Pernod-Ricard qui n’est pas ouvert au public à cause des nombreuses normes d’hygiène et de sécurité, la partie boisée où réside la dernière descendante de la famille Violet.

épicesLe marché à épices provenait de l’étranger par le biais de Port-Vendres. Il contient encore aujourd’hui tous les composants du Byrrh : Zestes d’orange amère et fraîche, camomille, colombo, café, quinquina, cacao, cannelle et sureau.

rangée cuvesL’annexe numéro sept est celle de Lambert Violet. C’est la plus grande cave du monde en chêne, non par sa superficie mais par sa capacité de stockage, il y a soixante-dix fûts (quatorze sur cinq allées) d’une capacité de deux cent mille litres chacun, ajoutez la grande cuve d’un million pour un total de quinze millions de litres. « Actuellement, entre cinq et huit sont actives, pourtant la plupart sont opérationnelles, mais la demande ayant considérablement baissé, l’offre a suivi en conséquence. Il est à savoir qu’entre 1930 et 1935, cette boisson se vendait à quarante cinq millions de bouteilles par an. Aujourd’hui il s’en vent à peine sept cent mille à cause de la diversité, après-guerre, sur le marché de l’apéritif. De plus, Dubonnet-Cinzano puis Pernod-Ricard ont privilégié leurs produits au détriment du Byrrh. D’ailleurs, à tort, beaucoup de visiteurs pensent que la marque n’existe plus. »

cuve videPetite astuce, afin de savoir si les barils sont pleins, il suffit de regarder la jauge, les anneaux en acier qui les encerclent (descendus de leur emplacement d’origine), mais surtout la petite ardoise à mi-hauteur sur laquelle sont inscrits les lettres VP (vide/propre) et le mot méché qui confirme la désinfection au souffre. Une petite trappe (appelé trou d’homme) de trente trois centimètres permettait aux hommes de se glisser pour aller nettoyer l’intérieur avec des grattoirs.

centralisateur byrrhEn 1926, est apparu le tableau centralisateur qui permettait à une seule personne de gérer l’ensemble de la production sans se déplacer. « On est loin des pompes manuelles vues dans l’atelier des outils. Il est fait de marbre, de cuivre et de laiton. Il a fonctionné sans aucune panne jusqu’en 2011. Àcette période les dirigeants l’ont arrêté volontairement par manque de quantité à manipuler. » 

La grande cuve a été construite pour trois raisons. La première, elle offrait un beau coup publicitaire pour ses propriétaires, la deuxième, elle permettait de sortir un million deux cent mille bouteilles de qualité homogène, mais la principale était la rivalité entre les Allemands et les Français. À ce moment là, à Heidelberg, un récipient de cinq cent mille litres contenant de la bière détenait le record en Europe.

lambert violetEntre le projet de départ et sa concrétisation il s’est passé quinze ans. Lambert Violet ne l’a pas vu finie il est mort en 1918. « À la base, elle devait faire un million cinq cent mille litres. Entre temps il y a eu la seconde guerre mondiale, il a fallu enfouir les planches. À la libération, une partie du bois avait moisi, la capacité du projet a été réduite. La première mise en vin s’est effectuée en 1950. Elle est vide depuis 2009. Il fallait quatre jours pour la remplir (ou la vider), mesure dix mètres de haut sans compter la grande cuvesurélévation des briques, fait douze mètres quarante six de diamètre et pèse cent dix tonnes à vide et mille cent tonnes pleine. » Le bois vient de Jupilles dans la Sartre, elle a été assemblée à Nancy, puis démontée et transportée par train jusqu’à Thuir pour y être de nouveau liée de façon définitive.

fresque humoristiqueDans l’espace dédié à Georges Launeuc, célèbre illustrateur du vingtième siècle, qui a inventé le Chevalier Printemps, vous retrouverez des dessins à caractère humoristique. Ce dernier a travaillé pour la maison et a réalisé la fresque qui représente les Thuirinois en action.

L’avant dernière étape avant la dégustation, montre deux barriques remplies de mou de raisins fermentés. « Cette fermentation a été arrêtée par l’ajout d’alcool, ce qui donne une sorte de liqueur où le sucre naturel du raisin est conservé. Celle-ci, riche en alcool, est mêlée au vin pour le faire monter à dix-sept degrés. »

gareLa gare construite en 1892 par l’atelier Gustave Eiffel, n’est plus accessible. Les normes actuelles étant strictes, c’est sur écran que vous aurez les informations !

dégustationÀ votre sortie, il vous sera offert trois boissons différentes. La recette originale de 1866. Concocté à partir de vin de Malaga, cépage de muscat, il contient principalement du quinquina, a vieilli de cinq à sept ans en fût de chêne, son taux est de dix-huit degrés, se boit frais en apéritif et peut être aussi une base de cocktail. Le traditionnel, vieilli entre trois et cinq ans. Le Byrrh assemblage, lui, réunit les bouteilles dégustationmeilleurs millésimes de grenache noir et de Carignan, issu des coteaux du Roussillon, vieilli quinze ans en tonneaux, est beaucoup plus rond, plus doux en bouche, se marie bien avec un foie gras, un fromage à pâte persillé et même un dessert au chocolat, il est recommandé de le boire pendant les fêtes de fin d’année.

étiquetteoffice tourismeAu fil du parcours, vous pourrez voir et écouter des personnages (hologrammes) hauts en couleurs, associés à cette grande aventure et à l’univers des frères Violet. L’office du tourisme de Thuir reçoit mille personnes quotidiennement sur quatre mois d’activité, ce qui perpétue le nom et la marque Byrrh

www.caves-byrrh.fr
www.aspres-thuir.com/fr

prades marchéAu pied de la montagne, la ville de Prades dont la première mention en France a été formulée en 843. Prenez du temps pour mieux connaître cette citée qui a connu dès les huitième et neuvième siècles un moment d’instabilité avec la menace des Musulmans de l’autre côté de la frontière. De plus, à cette période la féodalité est mise en place et bafoue les libertés. Quant aux religieux, ils font un gros travail de défrichement et de développement de l’agriculture. Ils vont favoriser les endroits où les vivres sont engrangés appelés celliers (ils ont existé jusqu’au début du dix-septième siècle), alors, la population commence à se prades marché 1regrouper autour des églises. C’est pour cette raison que les villages de la région sont de formes circulaires. À la fin de ce siècle, le siège du représentant du Roi a déménagé de Villefranche de Conflent (contrainte géographique et démographique) à Prades, c’est pourquoi, c’est une sous-préfecture aujourd’hui.

église clocherAvec l’augmentation des habitants, une nouvelle église romane est construite (son clocher a été conservé jusqu’à ce jour) car, à cette époque, le culte protestant est développé en France et dans la région. Le clergé désire alors ramener les fidèles vers le catholicisme, c’est pourquoi le retable baroque veut faire passer différentes idéologies avec les apôtres, piliers de l’église catholique, métaphore du culte des saints (contesté par les retableprotestants), à commencer par Saint-Jacques le Majeur ainsi que la Vierge des cieux et sa couronne d’étoiles. Tout en haut c’est Dieu le père tenant une colombe. L’édifice est dédié à Saint-Pierre, reconnu comme premier pape catholique, reconnaissable par sa triple couronne papale et sa croix épiscopale qu’il tient dans sa main, au dessus les armoiries.

pablo casalsDu milieu du dix-neuvième au milieu du vingtième, c’est la période la plus importante et la plus riche de la localité. Grâce au minerai de fer, des familles assez aisées s’établissent et en font une municipalité bourgeoise. Dans les années trente, des artistes locaux vont avoir à cœur d’embellir quelques cent soixante façades. Entre 1939 et 1942, cette dernière a accueilli aussi des intellectuels notamment des Républicains espagnols qui fuyaient le franquisme dont le violoncelliste Pablo Casals.

st michel caixast michel maquetteNon loin de Prades se trouve l’abbaye Michel de Cuixa fondée en 970. Ce monastère bénédictin est situé au pied du Canigou sur la commune de Codalet. Au début du douzième siècle, le cloître est reconstruit en lui donnant la forme d’une colonnade de marbre, avec des chapiteaux sculptés. Il est également édifié une tribune du même matériau dans l’église. Ces st michel cryptest michel chapelletravaux sont l’œuvre de l’abbé Grégoire, élu archevêque de Tarragone en 1136. Pendant et après la Révolution Française (17891793), meubles, argenterie, bâtiments et terres sont vendus et l’abbaye est laissée à l’abandon par ses nouveaux propriétaires. Une partie des pièces architecturales est amenée ailleurs (le chapiteau de colonnes à st michel cloîtrest michel arches cloîtrePrades, la grande vasque de marbre à EzesurMer, près de Nice) et de nombreux éléments du cloître sont admis au Metropolitan Museum of Art de New York. En 1825, les arcs diaphragmes portant la charpente tombent. En 1839, c’est le clocher nord qui s’effondre, écrasant les bâtiments voisins et une partie du cloître.

www.abbaye-cuxa.com
www.tourisme-canigou.com

Merci à Ghislaine Coronat, Julien Folcher, Catherine Gillot de l’Agence de Développement Touristique des Pyrénées Orientales (Perpignan), Armand (caves Byrrh), Laura Costa de l’office de tourisme intercommunal Aspres-Thuir, Nadine Romieu et son équipe de l’office de tourisme Conflent Canigó (Prades)

Retrouvez les vidéos de ce voyage sur www.facebook.com/Sur-la-route-1727800047463188/

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