Au huitième siècle, un moine breton natif de Vannes nommé Émilion choisit comme lieu de retraite Ascumbas (ancien nom de Saint-Émilion). Cet homme, connu pour sa charité, quitte sa famille et sa Bretagne pour s’enfermer dans un cloître, suivant la direction vers l’Espagne.
Par Corinne Bénichou
Ce site touristique de premier plan possède une importante parure monumentale (ermitage, église
monolithe, église collégiale, palais des archevêques, immeubles cossus et restes de fortifications) qui se décline au gré des ruelles appelées tertres et de places ombragées jouissant de la renommée de son patrimoine œnologique et gastronomique.
La ‘juridiction’ de la cité est inscrite au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco depuis 1996. Elle constitue l’exemple remarquable d’un paysage viticole historique ayant un survécu intact et illustre la culture intensive de la vigne dans une contrée délimitée avec précision. Elle s’étire sur soixante-quinze kilomètres carrés
bien préservée entre vignes et cours d’eau, le long des coteaux boisés et des routes pittoresques. Autour, huit villages se sont organisés et unis dès le Moyen Âge. L’étendue géographique correspond à l’actuelle aire des appellations viticoles saint-émilion et saint-émilion grand cru, regroupant près de huit cents propriétés nommées ‘châteaux’.
Les armes du blason : Au premier d’azur semé de fleurs de lys d’or, à saint Émilion de carnation, habillé de tenné (brun), issant de la partition, tenant dans sa dextre (main droite) une crosse contournée d’or et dans sa senestre (main gauche) un livre, au second de gueules au château de trois tours d’argent, maçonné de sable, ouvert et ajouré du champ, surmonté d’un léopard d’or qui tient un glaive d’argent, le château accosté des lettres onciales(1) S et E.
Les monuments de la cité témoignent de cette vie spirituelle, commerçante et viticole à l’intérieur comme à l’extérieur des murs. Étalés en forme d’amphithéâtre sur le versant sud du plateau calcaire (toutes les pierres qui ont
été extraites ont servi à la construction des maisons, remparts, églises et monastères au fil des siècles). La partie souterraine présente autant de témoignages du passé que sa partie édifiée, en particulier l’église monolithe.
L’Ermitage se situe sous la chapelle de la Trinité. D’après la tradition, Émilion est venu
s’installer dans cet endroit désert, au pied de l’escarpement, dans une grotte formant un abri naturel et exposé au sud. L’entrée par laquelle les visiteurs accèdent maintenant
n’existe que depuis le dix-huitième siècle. À l’origine, le religieux entrait par le fond actuel où vous pouvez voir l’accès muré. Ce changement a dû
sensiblement modifier l’atmosphère de recueillement. Certains verront une chapelle en forme de croix latine, dont l’irrégularité tiendrait à son mode d’assemblage
(enlèvement de la roche et non édification). Le récit de sa vie précise que dans sa caverne se trouvent l’oratoire, un lit, le siège
de la fécondité, une table et une source, ce qui correspond à d’autres lieux occupés par des saints cavernicoles. Le bassin creusé pour recevoir la source est muni de marches permettant d’y accéder. Ce lieu a peut-être favoriser les fonts baptismaux selon la pratique ancienne de l’immersion qui permettait de purifier, de la tête aux pieds, les païens désirant se convertir.
Les chapelles, de la Trinité, du Chapitre et de la Madeleine, sont toutes classées monuments historiques. L’église monolithe (connue pour être le second plus grande lieu saint de cette nature au monde, la flèche de son clocher culmine à soixante-huit
mètres), est également classée monument historique. L’église collégiale contient un orgue construit en 1892 par Gabriel Cavaillé-Coll. Il a été inauguré le 9 juillet 1893 par le baron d’Etcheverry. En 2014, l’instrument est restauré par Bertrand Cattiaux. Le 19 avril 2015, il est béni par Laurent Dognien et consacré par Pierre Pincemaille. Le cloître des Cordeliers contient les ruines des deux édifices.
La tour du Roy est un donjon-citadelle édifié en 1237 sur ordre d’Henri III, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine. C’est le seul de style roman en Gironde encore visible. Celui-ci s’élève sur deux étages au-dessus d’une cavité qui permet d’y accéder. Il a abrité l’hôtel de ville jusqu’en 1608. Du haut de cette tour, la jurade est célébrée. Elle prône les valeurs de solidarité et de convivialité propres aux Saint-Émilionnais. Elle proclame aussi, le troisième dimanche de juin, le jugement du vin nouveau et le troisième dimanche de septembre, le ban des vendanges(2).
La maison à pans de bois est une jolie bâtisse et la seule maison à pan de bois du village. Elle possède une façade datant du début du seizième siècle. Par contre, ses fondations sont antérieures à cette époque. Réunie à une autre maison par l’arc de la Cadène (autrefois limite entre la ville basse et la ville haute). À cause de la rivalité qui existait entre les habitants de ces deux parties, une cadène (chaîne) était tendue chaque soir sous l’arceau du treizième siècle. La porte se compose d’un arc ogival appuyé d’un
côté sur un rocher auquel est accolée cette maison avec fenêtres à meneaux et de l’autre, une tourelle en encorbellement sur une maison du quinzième siècle. Trois poteaux de bois partant du sol supportent un poitrail qui reçoit les solives du premier étage. Au sommet de ces trois poteaux s’avancent, sur des
consoles représentant des anges, des statuettes mutilées au-dessous desquelles se trouvent des écussons effacés. Le poitrail est orné d’une torsade engoulée par deux têtes de monstres. Son angle inférieur est orné d’une moulure ronde, engoulée aux extrémités par un animal indéterminé et, au centre, par deux dauphins enlaçant leurs queues.
La porte Brunet tire son nom du Gascon Branet signifiant landes, bruyère, clairière. Cette porte s’ouvrait sur la campagne. Long de neuf mètres cinquante et large de trois mètres quatre-vingt dix, il est facile de deviner, encore aujourd’hui, entre ses deux arcs, un assommoir par lequel les défendeurs jetaient des pierres et de l’eau bouillante sur les assaillants. Le passage se fermait à l’aide de portes en bois sur gonds toujours
visibles. Des fouilles ont mis à jour les fondations d’un châtelet d’entrée en amont représentées par un dallage circulaire au sol, de chaque côté de l’entrée du pont. Les remparts sont, en fait, un seul mur qui peut être considéré comme un décor de prestige dont le but premier aurait été de montrer la puissance du
village plus que de le protéger. Toujours est-il qu’il était impératif de payer une taxe pour entrer, représentant une nouvelle source de richesse. Les habitants ont d’abord creusé autour des fossés profonds. Avec les pierres extraites, ils ont bâti une enceinte de dix-huit hectares et sur un kilomètre cinq cents. Cette muraille était vraisemblablement flanquée de
sept portes et de petites tours défensives. Un chemin de ronde les liait au nord, la porte Bourgeoise, à l’est, la porte Brunet et la poterne Renaud, à l’ouest, les portes des Chanoines et de Saint-Martin, au sud, la porte Bouquère (ou Bocquère) et la porte Sainte-Marie. Elles communiquaient à l’aide d’une chaussée pratiquée en travers et flanquée d’une paroi jusqu’à deux tours qui défendaient l’entrée du passage. Un conduit souterrain permettait de pénétrer à l’intérieur de la ville.
Il est très difficile de dater les catacombes car chaque nouvel aménagement détruit irrémédiablement l’état antérieur (on creuse au lieu de construire par-dessus). Il n’est donc pas possible de dire à quel moment les catacombes ont commencé à servir de cimetière, ni si le
monument a été creusé en une seule fois. La coupole est la base d’un puits qui s’ouvrait sur la place et dont les parois abritaient une galerie-escalier circulaire. La tradition a fait de cette ouverture celle d’un charnier, alors qu’il s’agissait d’une chapelle funéraire. Un
bas-relief représente une scène de la Résurrection des morts avec trois personnages, les bras tendus pour que leurs mains se touchent. Ils sortent de leur cercueil et semblent attirés vers la lumière.
Votre balade dans cette commune du Sud-Ouest de la France, située entre la Dordogne et l’Isle et entre Libourne et Castillon-la-Bataille, dans le département de la Gironde en région Nouvelle-Aquitaine, vous emportera dans un autre monde. Au cœur du pays du Libournais, entourée de collines viticoles, cette cité médiévale est campée sur une hauteur calcaire, au carrefour du Bordelais, de la Saintonge et du Périgord.(3)
Office de tourisme
Place des Créneaux Le Doyenné
33330 Saint-Émilion
(011.33) 5.57.55.28.28
https://www.saint-emilion-tourisme.com
(1) Écriture calligraphique médiévale en capitales arrondies.
(2) autorisation administrative de commencer la récolte du raisin
(3) https://www.chambredhote-gironde.fr/