Au pied du courant…

dscn0033Chaque ville, région et pays renferment son lot de surprises ! Montréal, ses monuments, sa vie trépidante, ses festivals et autres attraits font de la métropole une destination touristique prisée par les étrangers. Parmi les lieux à connaître, tant chez les Montréalais que les visiteurs, la prison, Au pied du courant, permet une belle incursion dans le Québec du dix huitième et dix neuvième siècles.

Par Corinne Bénichou

dscn0026L’édifice patrimonial, de style néo classique, construit en pierre de taille des carrières de la ville, a remplacé l’ancienne bâtisse préventive et mixte du Champs de Mars. Il est classé site historique depuis 1978.

dscn0037Entre 1832 et 1840, c’est là que les peines étaient effectuées après le jugement du tribunal. Les femmes et les hommes étaient séparés. Au sous-sol, se trouvaient les criminels les plus dangereux. Pour les condamnations plus légères, les prisonniers étaient mis en étages dans des cellules avec fenêtres. Le troisième palier était réservé aux endettés. Les prisonniers n’ayant pas d’argent avaient un galon d’eau et une livre et demie dscn0038de pain par jour. Pendant cette période, le directeur, appelé Gouverneur, vivait dans la partie centrale. Entre 1894 et 1912, celui-ci a décidé de faire construire sa maison qui se trouve toujours aux angles des rues Notre-Dame et de Lorimier.

porte-saqDe 1912 à 1921, l’endroit est fermé pour faire place à la prison de Bordeaux, au 800, boulevard Gouin Ouest, encore en activité. Après neuf ans d’abandon, le bâtiment devient le siège social de la dscn0041commission des liqueurs (Société des Alcools du Québec) qui ne garde que les murs d’origine. L’aile intérieure abrite les bureaux de la compagnie. Un quatrième étage est ajouté, ce dernier est reconnaissable car il a été construit en brique et non en pierre.

Un petit tour dans le passé dans les grandes lignes

carte-nvelle-franceDe 1534 à 1763, l’histoire de la Nouvelle-France s’échelonne sur cette période, allant de l’exploration française du continent américain jusqu’à la cession définitive du Canada au royaume de Grande-Bretagne.

cartierDe 1604 à 1629 et de 1632 à 1760, cette terre amérindienne, lors des voyages de Jacques Cartier, est progressivement occupée par la France de l’Ancien Régime.

En 1760, avec la défaite des Français, elle se retrouve sous domination britannique jusqu’en 1763, dans l’attente du résultat de la Guerre de Sept Ans, en Europe, appelée aussi Guerre de la Conquête. La France l’ayant perdue, elle cède la Louisiane à l’Espagne et elle abandonne la Nouvelle-France à l’Angleterre.

De 1791 à 1840, le Québec s’appelle le Bas Canada. Le terme Canadien n’apparaît qu’en 1850.

seigneurieEn 1830, le territoire comprend six cent cinquante mille habitants dont trente pour cents sont composés d’Anglophones et soixante dix pour cents de Francophones Quatre vingt dix pour cents de ces derniers sont des agriculteurs et la pauvreté ne cesse d’augmenter sur les seigneuries suite aux mauvaises récoltes, l’argent se fait donc de plus en plus rare ! Alors Louis-dscn0012Joseph PapineauLouis-Hyppolite Lafontaine et Denis-Benjamin Viger créent le parti politique Les Patriotes (avant de devenir le fameux mouvement libérateur) ayant pour objectif la liberté et l’égalité pour tous.

russellEn 1834, quatre vingt douze résolutions sont adoptées par ces députés afin d’avoir un conseil législatif (sénat) élu. Dans les demandes principales, le conseil exécutif (conseil des ministres) doit leur rendre des comptes, faciliter l’achat des terres et le commerce. Après trois ans de délibération, la réponse du ministre britannique de l’intérieur, John Russel, est négative. Les journaux dénoncent son refus, mais la population ne sachant pas lire, les responsable du parti organisent des discours en appelant au boycotte du rhum et du sucre, produits en provenance dscn0015d’Angleterre. L’économie locale apparaît à ce moment là dont le sirop d’érable, le miel et la bière. Le coton et la soie sont remplacés par le lin et la laine, ce qui donne l’étoffe du pays. Elle est portée par les sympathisants à la cause.

dscn0017dscn0018À Saint-Charles sur Richelieu, dans la même année, Louis-Joseph Papineau réunit six mille personnes (équivalent à soixante dix mille aujourd’hui) mais Wolfred Nelson, le chef militaire le plus radicalisé au sein du gouvernement, fait un appel aux armes. Il offre une récompense de quatre cents piastres, prononcé piasse (quatre ans de travail pour un agriculteur) pour un partisan et quatre mille pour Papineau !

colborneEn 1837, au cours du printemps et de l’été, les chefs réformistes tire parti des tensions politiques de longue date pour mettre sur pied une large force rebelle. La situation étant tellement tendue qu’en octobre, toutes les troupes britanniques régulières sont retirées du Haut Canada (actuel Ontario) et transférées dans le Bas Canada (actuel Québec). Les troupes rebelles ne font pas le poids devant l’important déploiement militaire, sous la direction du général John Colborne, complété par un grand nombre de miliciens orangistes loyaux.

durhamLes Patriotes ont fait face aux milices loyalistes à trois reprises : Saint-Denis, Saint-Charles et Saint-Eustache. Après la bataille de Saint-Denis, (la seule gagnée), cinq cents adeptes sont arrêtés et amenés à la prison. John George Lambtoncomte de Durham, nouveau gouverneur, les relâche à l’exception des huit dirigeants

pendaison-patriotesEn 1838, l’offensive est lancée avec la création des Frères Chasseurs. Encore une fois, des arrestations sont effectuées par les Anglais. Parmi les huit cents personnes, cent huit subissent un procès pour haute trahison contre la reine Victoria (1819-1901), le châtiment est la pendaison. Douze Patriotes sont exécutés afin de faire des exemples :

François Joseph-Narcisse Cardinal
Notaire et député de trente ans,

Joseph Duquette
Etudiant de vingt trois ans,

Pierre-Théophile Decoigne
Notaire de trente ans,

François-Xavier Hamelin
Cultivateur et lieutenant de milice de vingt et un ans,

Joseph-Jacques Robert
Cultivateur et capitaine de milice de cinquante huit ans, Ambroise Sanguinet
Cultivateur de trente neuf ans,

Charles Sanguinet
Cultivateur de trente huit ans, frère d’Ambroise

François-Marie-ThomasChevalier de Lorimier
Notaire de trente cinq ans,

Amable Daunais
Cultivateur de vingt trois ans,

Charles Hindenlang
Soldat de vingt neuf ans, natif de la Suisse,

Pierre-Rémi Narbonne
Peintre et huissier de trente ans,

François Nicolas
Commerçant et instituteur de quarante quatre ans.

Comme les pendaisons de Joseph Duquette et de Pierre-Rémi Narbonne se passent mal, l’autorité en place décide alors de libérer les vingt sept autres condamnés sous caution et d’en exiler cinquante huit en Australie.

parlement-mtl-1840En 1840, le Haut et le Bas Canada deviennent une seule colonie. Quatre ans plus tard et jusqu’en 1849, Montréal en devient la capitale. Son parlement, situé sur la place d’Youville actuelle, est incendié, neuf ans après, par un regroupement de politiciens britanniques nommés les Tories. Le système gouvernemental responsable québécois date de 1848, une décennie après la dissolution du parti. Il est l’héritage démocratique directement légué par les Patriotes.

La statue

statue-patriotesdscn0028En 1926, le sculpteur Alfred Laliberté (nom prédestiné !) a créé le monument. Il a été déplacé, dans les années 90, afin de correspondre à l’emplacement approximatif du lieu de pendaison des Patriotes. En haut, l’ange aux ailes brisées représente le personnage féminin pour la liberté, la chaîne, la robe en lambeaux et la position à genoux représentent la violence des combats, le bras dans les airs dscn0029et la chaîne brisée c’est la postérité des Patriotes. En médaillons, François-Marie-ThomasChevalier de Lorimier, désigne le sacrifice, Louis-Joseph Papineau, la lutte parlementaire et Wolfred Nelson, la lutte armée. Au sol, les noms des douze pendus.


L’emblème

dscn0014Les couleurs du drapeau représentent les Irlandais pour le vert, les Canadiens pour le blanc (allégeance à la royauté française) et les Britanniques opposés au régime pour le rouge. Le Vieux de ’37 est apparu vers 1880 pour illustrer le poème de Louis Frechette, mais chacun peut proposer son interprétation comme le vert pour l’espérance, le blanc, la pureté de la cause et le rouge, le sang des Patriotes !

prison-vuePour terminer, le nom de la prison vient du courant Sainte-Marie, rapide qui sévit à cet endroit du Saint-Laurent. La porte centrale initiale et le terrain intérieur allaient jusqu’au milieu de la rue Notre-Dame.

Centre d’exposition Au pied du courant
905, avenue de Lorimier
Montréal

Maison nationale des Patriotes
610, chemin des Patriotes
Saint-Denis sur Richelieu
(450) 787-3623
maisonpatriotes@qc.aira.com
www.mndp.qc.ca

Retrouvez les vidéos de cette sortie sur www.facebook.com/Sur-la-route-1727800047463188/

 

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