Pour mieux comprendre l’essence de ce carnaval, voici les propos du co-président actuel (avec Josian Bourrel) du comité de carnaval, Pierre Ferrand.
Par Corinne Bénichou
Chaque année, la durée des dix fins de semaines se compte à rebours à partir du dimanche précédent les rameaux en incluant Mardi Gras. « Ce sont toujours les Anciens qui défilent le jour de Mardi Gras. À la fin du carnaval, Sa Majesté est déposé sur un char (cette année le thème est un Pont Vieux), le roi est jugé et brûlé par la bande qui l’a confectionné. Le 
jugement se fait en occitan, la langue d’Oc (juge, avocat de la défense, procureur, quelques témoins et le bourreau). Le tout est bon enfant et se veut drôle ! » Après la crémation, c’est la Nuit de la Blanquette qui commence avec une buvette installée sur la place de la République.
L‘ancien président, Louis Boulbes, ajoute « Les trente-deux bandes ont chacune leur thème avec des airs assez rapides le matin (de 11 heures à 12h30). La troupe qui est en avant de la musique donne un cachet aux musiciens. À Limoux, le spectacle est gratuit pour les visiteurs. L’équipe qui parade paie tout (confettis, musique, boissons, repas…) De 16h30 à 19h30, sous les 
arcades, deuxième sortie, la musique est plus lente pour que les meneurs puissent s’imprégner des airs. Ils s’arrêtent dans les cinq cafés du centre-ville pour se désaltérer et se reposer. Le soir de 22 heures à 23h30, la musique est encore plus lente. Les 
carnavaliers sont éclairés aux entorches* par deux ou quatre porteurs. Il y en a environ quatre-vingt pour toute la durée du carnaval. La différence de rapidité au fil de la journée est une tradition, le matin est une sauterie, il faut que ce soit entraînant tandis que 
l’après-midi et le soir, le meneur doit donner toute l’ampleur de la bande et comme ça ne dure qu’une journée, plus les heures passent plus c’est la tristesse, donc la mélodie est ralentie pour profiter au maximum du moment. » Carpe diem !
Élodie Jeanson (saxophone) petite fille d’Émile Taillefer (honoré à l’Institut des Arts du Masque avec l’exposition Mémoire de carnaval) et Jérôme Espérou (trompette), son compagnon, sont des musiciens/carnavaliers. « Les airs viennent surtout du répertoire d’opéra (Plaisir d’amour, la Belle Hélène…) Ils sont adaptés pour les parades, mais certains d’entre eux ont été composés par les carnavaliers. Par exemple, monsieur Carinestiste, en taillant sa vigne, a entendu le chant d’un oiseau et a créé une mélodie. Jean Brunet aussi d’ailleurs ! »
Pierre Ferrand confirme que tous les Fecos ont une carabène qui a pour ancêtre le thyrse, bâton surmonté d’une pine de pin entouré d’une tige de lierre. « Elle sert à mener la musique et à chiner (intriguer) les passants en confirmant dans le patois local, je te connais… » Il ajoute que le matin, il y a aussi les Goudils qui dévoilent leur thème sur un 
événement local, départemental, national ou international. Celui-ci est porté en dérision par ces personnes déguisées et placées en arrière des musiciens. « Ils représentent des visages connus, jouent un rôle dans le déroulement 
(début, milieu et chute amusante) du thème et chaque année les thèmes sont différents » puis reprend « Pendant l’année, quinze à vingt personnes se retrouvent régulièrement comme le ferait une famille en préparation d’un événement ou une équipe de rugby avant un match important. »
Les Arcadiens étaient au départ l’équipe des Bouchers avec Émile Taillefer. Ils étaient sectorisés par quartier et par profession. « Maintenant le niveau social est effacé et les professionnels se mélangent comme l’ancien député-maire de Limoux, Jean-Paul Dupré, qui devient seulement un Arcadien. Le côté protocolaire est enlevé. On oublie les tristesses, les colères, c’est une parenthèse heureuse de l’année. »
Les 30 et 31 mars, toutes les bandes défileront pour le Carnaval du Monde. « Nous attendons entre dix et vingt mille personnes pour cette fin de semaine. »
François Feau, ancien président du comité jusqu’en 2018, fait partie des Meuniers. « Traditionnellement le carnaval débute par la sortie des Meuniers. Ils sont reçus par les autorités du département pour autoriser la tenue du carnaval. » Il y a des représentants de toutes les bandes (dix au total) dans cette parade. « C’est une tradition et également une interprétation de la fonction du meunier associé à la vente de la farine. » À l’origine, les meuniers commerçaient avec l’Aragon qui comprenait les deux Catalognes, aujourd’hui séparées (la partie française est devenue depuis le département des Pyrénées-Orientales). De retour en ville, ils payaient leurs 
impôts et faisaient la fête. « Il y avait, à cette période, trente moulins autour de Limoux. En fait ils amenaient l’argent d’où leur place privilégiée au sein du carnaval mais aussi le fait de payer l’ensemble de la parade par les meneurs. »
* Morceau de buis enroulé d’un drapeau en jute, de papier kraft avec et de la paille à l’intérieur. De la résine liquide et chaude y est versée et l’entorche (flambeau) est roulée avec la résine à l’intérieur, le papier kraft est rabattu, elle est de nouveau remplie puis plongée dans de l’eau froide de suite pour qu’elle ne prenne pas feu.
Retrouvez les vidéos de ce voyage sur www.facebook.com/Sur-la-route-1727800047463188
Remerciements :
Pierre Ferrand, Louis Boulbes, François Feau, Élodie Jeanson et Jérôme Espérou.
Comité de carnaval
Café du commerce
11300 Limoux – France