Les artistes de la Virée

Depuis 2009, les artistes, artisans, créateurs de mode et autres de la rue Parthenais ouvrent les portes de leur atelier pour des expos ventes.

Par Corinne Bénichou

Ces événements hors du commun (plus d’une centaine de participants) donnent accès à leur lieu de travail et de création. Situés dans trois bâtiments différents, venez découvrir les lieux de naissance de leurs œuvres. Il y en a pour tous les goûts !

Depuis 1994, l’usine Grover, ce bâtiment industriel de quatre étages, rassemble le plus grand nombre d’ateliers d’artistes, d’artisans et de travailleurs culturels du quartier. Inauguré en 2008, le Chat des Artistes est situé à quelques pas au nord et regroupe quarante ateliers répartis sur trois étages. Plus haut dans la rue, la coopérative d’habitation d’artistes Lezarts présente une sélection choisie de ses trente-trois résidents, dans sa propre galerie d’art.

Cette année, Regards sur la ville a d’abord visité Jean Paradis, Sophie-Eve Adam, Adeline Rognon, Emmanuel Laflamme et Natalie Lafortune.

Dans le travail de Jean Paradis, le geste et la ligne créent un parcours proche de la calligraphie, donnant une liberté d’action et une spontanéité qui lui permettent de se défouler et d’exprimer sa ‘folie’. À la suite du décès, au cours des dernières années, de plusieurs proches, il cherche, dans la peinture, une manière d’évacuer ses peurs et d’atteindre une certaine sérénité. C’est un long processus d’incertitudes et de réflexions qui engendre dans ses tableaux une répétition de formes et de traits superposés. Il peint sur des formats de plus en plus grands (utilisant les limites de son atelier) ce qui lui permet d’explorer la ligne avec de grands gestes spontanés et épuisants, pour ensuite revenir sur la toile et combler les vides par de petits gestes plus calculés. Les mouvements se répètent et se superposent créant un sentiment de profondeur et d’oubli.

www.cooplezarts.org/jean-paradis

La pratique artistique de Sophie-Eve Adam s’inscrit dans une recherche contemporaine d’intégration du décor à la forme en utilisant l’asymétrie, le vide, la matière nue, l’ouverture et l’épuration comme lignes directrices. Elle crée des œuvres uniques et des petites séries en exploitant les techniques de façonnage et de tournage, recherche une harmonie et un équilibre à travers l’épuration des formes, les déclinaisons subtiles de couleurs, les contrastes de texture et de brillance. Ses objets d’art utilitaires sauront vous accompagner au quotidien dans un désir de loupe le plaisir de boire et de manger.

www.sophieeveadam.com

Ludique et humoristique, c’est avec le plus grand sérieux que la démarche d’Adeline Rognon s’inscrit dans la tradition graphique occidentale. De Albrecht Dürer à Andy Wharoll en passant par Betty Goodwin et Robert Crumb, elle se nourrit d’influences diverses. Par des clins d’œil ou des références à la grande peinture du passé, mais également au cinéma et à la poésie, elle aborde des sujets aussi délicats que l’érotisme latent de la figuration de la chair et les thèmes, ô combien riches, de l’amour et de la mort. Cochons lascifs, phallus totémiques, danseuses improbables et mariées acéphales, tels sont les acteurs de sa mythologie personnelle. À travers ces figures, elle traque les archétypes de l’inconscient collectif. Le choix de l’estampe sur papier n’est pas indifférent. C’est en 1994, alors qu’elle était en stage de formation chez Arte-Adrien Maeght pour un an à Paris, parmi les presses qui avaient imprimé des Matisse, Miró, Riopelle, Tapiès, pour ne citer que les plus célèbres, elle a pris conscience de faire partie de la famille des amoureux de l’encre et du papier, peau essentielle au processus créatif.

www.cooplezarts.org/adeline-rognon

Les Éditions du Rognon ont été fondées à Paris au sein de l’imprimerie Maeght par Adeline Rognon. Il s’agit de petits tirages, de trente-cinq à un seul exemplaire. Livres objets, atypiques, flipbooks et fanzines lui permettent de décliner sa pensée sur le féminin, l’animal, les états d’âme et les idées reçues. Avec sa carrière internationale, ses œuvres font partie de collections prestigieuses.

www.editions-du-rognon.com

Emmanuel Laflamme recycle avec humour l’imagerie populaire et crée des scènes fortes de sens qui mènent autant à sourire qu’à réfléchir. À l’image des surréalistes, il conçoit des représentations dont l’impossibilité manifeste capte l’attention. Ses œuvres sont créées comme un publicitaire qui n’aurait rien à vendre. Conjuguant les références culturelles, il détourne les mythes anciens et modernes pour servir son regard sur le monde, à la fois tendre et critique. L’absurde est son terrain de jeu, l’anachronisme, sa spécialité. Né en 1984 à Montréal, cet artiste autodidacte a travaillé comme designer en dessin animé et a collaboré à des projets de publicité, cinéma et jeux vidéo.

www.emmanuellaflamme.com

Natalie Lafortune sonde les contextes dans lesquels elle évolue. Ses questions et sa réflexion portent sur les aspects utopiques des projets architecturaux et les glissements qui s’opèrent dans leur mise en application. En discutant avec les usagers de ces espaces et par l’appropriation de certains éléments fondateurs de ces projets (politiques, plans directeurs et autres), elle crée des installations, des maquettes et des interventions infiltrantes à même ces lieux. Ce travail vise à rendre visible les liens aux espaces architecturaux. Elle est autant intéressée par les matières que par les procédés qui permettent de construire. Auparavant résidente de Saint-Jean-Port-Joli, elle a développé une pratique d’installation autour de la perception du vaste dans le paysage. Aussi impliquée à Est-Nord-Est, elle porte une réflexion sur les liens entre pratiques contemporaines et lieux de tradition et travaille activement à la mise en place de son projet d’immobilisation. Comme membre de la coopérative Lezarts, elle est à la fois partie prenante et observatrice d’un lieu d’habitation géré par et pour les artistes.

www.cooplezarts.org/natalie-lafortune

Coop Lezarts
2220, Parthenais
Montréal
www.cooplezarts.org

La visite se poursuit avec les ateliers de Maryse Frappier, de Julie Desmarais et de Carole Morin.

Maryse Frappier est céramiste, ce qui lui permet de créer de beaux objets qui agrémentent en partie le quotidien. Elle a eu la piqûre dès l’enfance à San Francisco. Depuis, cette passion ne la quitte plus. Formée au cégep et à l’université en arts plastiques et en peinture, elle ouvre son premier atelier en 2000. La sensualité et le plaisir que ça lui procure, ainsi que l’exploration de voies multiples la font  ’tripper’ même après vingt ans ! Elle propose des pièces uniques ainsi que des productions à échelle humaine. Travaillant avec le grès pour les sculptures et la porcelaine pour les produits de la table, ses créations sont ludiques (ses fontaines entre autres) et organiques. La céramique, c’est jouer dans la boue et laisser aller sa créativité. Revenir aux sources !

www.facebook.com/les100dessins

Julie Desmarais, originaire des Laurentides, peint, vit et travaille à Montréal depuis plus de vingt ans. En 1999, elle obtient son baccalauréat en arts visuels et histoire de l’art de l’Université de Montréal. En entrant dans son atelier, vous aurez l’impression que le lieu n’a pas de murs, qu’il est plutôt face à une série de fenêtres donnant sur un panorama continuant de prendre forme. C’est un privilège d’être témoin de sa créativité. Chaque coup de pinceau construit peu à peu le paysage. Ce qui subsiste, la trace, la mémoire est empreinte de sens. Ses œuvres grands formats, effectuées à l’huile, sont inspirées des vastes territoires du Québec et d’ailleurs. Sa pratique est centrée sur la représentation de phénomènes naturels observés à travers le Canada à la recherche de lieux peu ou pas affectés par la présence humaine. Elle se sert de la photographie pour documenter son sujet. Ses peintures figuratives, voire presque ‘photo-réalistes’, offrent un côté vivant à ses créations qui subliment la nature. Chaque tableau prend une année de travail pour arriver au résultat final. L’expérience sensible fait appel au corps, au sens commun et au reconnaissable. Accordant une importance notable aux fins détails, ces derniers donnent une impression surréelle à ses œuvres qui font partie de plusieurs collections privées et publiques au Canada et à l’international.

https://juliedesmarais.com

Depuis 2005, Carole Morin expose régulièrement à titre d’artiste professionnelle. Dès 2009, sa source d’inspiration est la ville de Barcelone, en Espagne, où elle fait des séjours récurrents. Cette ville exerce une influence sur son travail tel un repère. Ses couleurs sont chaudes, vives, et la composition contemporaine, radicalement abstraite, est dynamique, soutenue par la ligne. Sa En 2017-2018, L’espace des Variantes (notion d’espace) a fait partie de ses séries à thème alliant collages, texture et acrylique. Silenci… Accio a été exposée à l’Écomusée du fier monde dans le cadre de Variations sur l’art d’ici en 2022. Par la suite, cette toile a été vendue lors de l’encan-bénéfice qui a eu lieu à la fin de l’exposition. En 2021, deux œuvres de grands formats, se sont retrouvées au salon du livre de Montréal avec pour lien la littérature. À cette occasion, l’artiste n’a pas hésité à mentionner la biographie du Catalan Joan Miro (1893-1983), un grand maître pour elle. Vingt des tableaux, de sa plus récente série Bleu (directement liée à la citée catalane), ont été exposés à l’occasion de l’événement Aide aux Villageois du Village Olympique. Elle offre aussi des catalogues réunissant cinquante de ses créations.

www.carolemorin.com

Chat des Artistes
2205,Parthenais
Montréal
(514) 274-0007
www.atelierscreatifs.org

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